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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 00:00

PB120364

 

La montagne, ça vous gagne !!!

 

Couchée dans la luzerne fleurie de pompons rosés, Justine profite enfin de ses congés. Elle les a attendus longuement, patiemment ;  la voilà à  son deuxième jour de vacances.

Elle s’est sauvée, valise vite bouclée par le premier train la conduisant dans la région de Grenoble.

Elle a réservé un peu à la hâte une chambre aux « Septs Laux », station très prisée l’hiver, mais désertée l’été.

Les prix étant très attractifs, Justine ne s’est pas posée longtemps de question, elle a signé pour quinze jours de montagne.

Elle sourit se rappelant  cette vieille campagne de  pub : « la montagne çà vous gagne » . C’est exactement son sentiment actuel.

Retrouver les grands espaces, les massifs majestueux, la marche le long des sentiers, transpirer sac au dos pour se rendre à tel refuge,  pour déjeuner dans un gîte perdu sur des crêtes.

Elle n’a pas encore établi de programme et savoure cette journée ensoleillée, le nez dans l’herbe à sentir la chaleur monter doucement.

A cet instant elle apprécie : le silence, l’herbe si verte et ce ciel complètement lisse dégagé de tout nuage.

A contempler ainsi la voûte céleste elle savoure ce moment de réelle plénitude.

Ah ! Que c’est bon !

Elle étire ses bras longuement, ses jambes, se replonge dans la contemplation de ce ciel si lumineux, si limpide, que ses yeux se rétrécissent sous l’intensité éblouissante.

Elle croit apercevoir tout là haut des rapaces, mais ils sont si loin, si petits- on dirait des mouches- qu’elle n’est pas certaine de ce qu’elle repère.

Sa vue s’aiguise peu à peu et distingue mieux des aigles, selon toute vraisemblance,  tournoyant majestueusement dans une chorégraphie silencieuse, qui leur est propre.

Elle pense aux aigles car ils sont devenus,  il y a déjà quelques années une espèce protégée, et sont désormais beaucoup plus nombreux.

Ils ont l’air si libres !

Voler !

Voir le monde d’ici bas en miniature, ça doit donner une impression vertigineuse?

Justine aimerait faire des essais de parapente pour voir.

Lui faudrait tout d’abord dépasser cette sainte frousse qui lui tord le ventre  à cette simple évocation.

Mais c’est ça, oui, elle aimerait être l’oiseau là haut qui plane langoureusement.

Sa longue contemplation, associée à la fatigue de l’année de travail et au voyage ont eu raison de ses forces.

Elle dort !

Des moucherons se posent sur son chemisier mauve, des fourmis galopent sur ses jambes nues, certaines tentent même une incursion dans les chaussures ; celles ci lacées très haut et bien serrées empêchent toute entrée intempestive.

Des mouches, des taons, des abeilles bourdonnent autour d’elle venant ici ou là inspecter ce corps étranger, totalement inerte.

Rien ne dérangera la belle endormie.

Combien de temps est elle restée là ?

Elle s’éveille sentant la fraîcheur pénétrer ses membres, lui  courir le long de la colonne vertébrale.

Il fait presque frais. Le soleil a basculé derrière la montagne, elle se retrouve à l’ombre.

Quelle heure est il ?

Elle s’étire lentement, se réveille difficilement, ne retrouve plus dans le ciel les rapaces qu’elle a aperçus avant de sombrer.

A leurs places de petits nuages blancs sont apparus. Ils sont légers, aériens, dessinent des formes qu’elle s’amuse à nommer : un chien, de la chantilly, une mouette, du coton, un visage…

Elle reste couchée là, elle est bien un peu alanguie un peu rêveuse, paresseuse.

Sa montre consultée du coin de l’œil - on ne perd pas la gestuelle en quarante huit heures - lui indique : seize heures quinze. Ah ! Déjà !

Il faudrait penser à bouger, à redescendre.

Elle va boire un peu d’eau avant de  prendre le chemin du retour.

Elle tend la main gauche vers son sac à dos, déposé à ses côtés en arrivant, ne le trouve pas, tend la main droite, non plus. Du coup la voilà assise en une fraction de seconde ; son sac ? Où est son sac. ?

Rien autour d’elle sinon ce champ de luzerne verte, piquetée de fleurs.

Elle réalise soudain qu’on est venu lui voler, pendant son sommeil… qui ? Quand ? Pourquoi ?

Elle avait choisi ce champ isolé, à une petite demi - heure de marche du sentier balisé pour être tranquille.

Elle a tout dans son sac…

Ses poils se dressent sur ses avant bras en réalisant ce que cela signifie : quelqu’un l’a frôlée, l’a vue dormir, a pu l’épier, et puis surtout : pas d’eau, pas de pull, pas d’argent, plus de papier…

Qu’avait-elle mis dedans au départ ?

Préparé après le petit déjeuner qu’elle avait pris fort tard contrairement à ses habitudes, elle résume :

*mon pull bleu, ma polaire, ma cape rouge, une bouteille d’eau, deux barres de céréales, mon portefeuille…

Son portefeuille ??

Ah ! Mais ça veut dire : carte bleue, chéquier ? …

Non ! Le chéquier elle ne l’avait pas pris,  elle en était sûre, problème de poids…

Sa monnaie !

Combien avait-elle emporté ? Trente ? Cinquante euros ?

Comment poursuivre ses congés ?

Un tumulte l’envahit peu à peu devant les questions multiples qui montent  à  son esprit en rafale.

Qui pouvait lui avoir fait un truc pareil ?

Du coup, elle se relève tout à fait pour scruter lentement les alentours.

Tout est uniformément vide de trace humaine, imprégné d’un silence complet.

Elle fait le tour de son emplacement dessiné sur l’herbe, sa silhouette est là, comme  une empreinte.

Rien d’autre.

Elle se met à quatre pattes pour y regarder de plus près, tel un chien flairant une piste.

Il lui semble que la luzerne est couchée sur la droite …pleine d’espoir elle suit ce qui semble avoir été piétiné.

Elle parcourt ainsi les quatre cent mètres la séparant de la sortie du champ.

Elle trouve, juste sous le fil barbelé servant de barrière, sa cape rouge.

Est-elle tombée de son sac en entrant ou est ce un signe, un indice, un espoir ?

Un peu ragaillardie, elle se met sur ses deux jambes se faufile sous la clôture et part à grandes enjambées.

Elle enfile sa cape fraîchement retrouvée, l’ombre s’étend lentement.

 En montagne elle sait que cela signifie : la nuit qui arrive.

Sa belle sérénité s’est envolée d’un coup ; une sourde anxiété rythme ses larges foulées.

Elle rumine : son sac, ses affaires, qui ? Quand ? Pourquoi ?

Enfermée dans ses questionnements, elle  ne voit pas au croisement de deux sentiers,  une masse sombre appuyée le long du talus.

Quand un grognement effrayant la pétrifie, stoppant net sa marche, là, sur place,  tous ses sens en alerte maximum, tels des voyants rouges clignotants.

Une sorte de rugissement, de reniflement, de souffle puissant, enfle tout près d’elle.

Elle ose tout juste pivoter légèrement la tête, et voit alors cette forme large, haute, énorme !

Son sang se glace, elle se liquéfie littéralement  : un ours !  Il y a,  à cent mètres d’elle,  un ours !

Il lui tourne le dos et semble affairé, penché sur quelque chose qu’il serre sur le ventre.

Au sol elle perçoit une tache bleue : son pull !  Elle en est certaine,  c’est son pull !

Justine  comprend en une fraction de secondes la situation.

L’ours a emporté son sac à dos pendant sa sieste ; il est donc venu à moins de cinq mètres d’elle !

Tétanisée, avalant  difficilement sa salive, ses membres sont pris d’un tremblement irrépressible, son cœur cogne violemment dans sa poitrine.

Un ours ! Un véritable ours !

Elle détale aussi soudainement  qu’elle s’est arrêtée,  il y a trois secondes.

Elle court, elle court, longtemps, encore, encore !

Après cette course effrénée,  dont elle n’évaluera jamais  la durée,   elle s’écroule sur le sol, se jette en boule sur le bord du sentier pour tenter de calmer les battements de son cœur qui tape à  coups d’enclume, tant dis  que ses poumons explosent.

Souffle coupé, gorge sèche et en feu, elle a mal partout, a un point de côté qui lui déchire les flancs, elle halète, en nage, des larmes d’épuisement, de peur commencent à couler sur ses joues.

Elle suffoque, asphyxiée, submergée.

Plus tard, beaucoup plus tard, titubant de fatigue, tout en soliloquant,  tête basse, sur les grandes vertus de la montagne en rentrant,  nuit tombée à son hôtel, Justine  se dit :  « la montagne, la montagne…hum » !

« Non, non, non,  personne ne croira jamais une telle  histoire »

Elle pousse, frissonnante, exténuée, la porte de verre de l’hôtel, la pendule de l’accueil lui indique : vingt et une heure douze.

Elle s’écroule sur le fauteuil de l’entrée, incapable pour l’instant de faire un pas de plus.

 

Mimo

 

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